La RSE « Nouvelle Version », plus dure ou plus facile ?

La réforme de l’examen de « Plongeur Niveau 4 – Guide de Palanquée » a notamment remis au programme une démonstration technique qui  fait beaucoup débattre le petit monde de l’école française de plongée. Je veux bien parler de l’épreuve de « Remontée Sans Embout de 25 mètres à 10 mètres », qu’on appelle plus communément la « Nouvelle RSE ». Pour avoir échangé avec quelques moniteurs, il m’est apparu que beaucoup d’entre eux (moi y compris) ne se sentaient pas très à l’aise avec l’enseignement de ce geste technique. L’objet de ce billet est donc de décortiquer cette épreuve, de tenter de décrire une progression possible pour son enseignement, et de faire un retour d’expérience sur ma façon de réaliser cette RSE, et de ce que j’en ai ressenti ! Je vais donc reprendre le texte intégral du MFT pour détailler très précisément ce qui est attendu du candidat, pour ensuite mettre en évidence les changements survenus.

Le Manuel de Formation Technique décrit l’épreuve de la façon suivante : « La RSE est un exercice qui permet le perfectionnement de la gestion ventilatoire, le développement de la maîtrise de soi et l’acquisition de la sérénité. Ces compétences sont indispensables au guide de palanquée et au moniteur qui seraient amenés à gérer une situation dégradée ».

Les conditions de réalisation sont les suivantes :

  • Départ stabilisé à une profondeur de 25 m (fond ou pleine eau).
  • A la demande du formateur enlever l’embout après une inspiration normale (volume courant) et le garder à la main.
  • Après une petite expiration, commencer la remontée.
  • Le candidat devra avoir une position de sa tête permettant le maintien des voies aériennes libérées (LVA) et la bouche maintenue entre-ouverte.
  • Au cours de la remontée, l’utilisation des palmes et du gilet est autorisée.
  • La gestion des moyens de propulsion utilisés pour la remontée n’entre pas dans les critères d’évaluation.
  • Le début de la remontée peut être assez rapide.
  • Adopter le plus tôt possible une vitesse maîtrisée.
  • Effectuer un arrêt franc à 10 m en maintenant le niveau d’immersion puis remettre le détendeur en bouche à l’initiative du candidat.
  • Ne rejoindre la surface que sur signe du formateur avec l’embout en bouche.

La notation est faite sur les bases suivantes :
Sont préjudiciables :

  • Effectuer un cycle ventilatoire supplémentaire après l’injonction du moniteur.
  • Ne pas souffler un filet d’air au départ.
  • Avoir une position de la tête préjudiciable à la libre sortie de l’air (trop ou trop peu en extension).
  • Avoir un profil de remontée « inversé » (départ lent, arrivée rapide).
  • Avoir un profil « irrégulier » quel que soit le mode de propulsion utilisé.
  • Lâcher son détendeur au cours de la remontée.

Sont éliminatoires (note inférieure à 5) :

  • Reprendre son détendeur avant la profondeur de 10 m.
  • Dépasser de plus de 2 m la profondeur d’arrêt.
  • Réaliser l’exercice dans un temps inférieur à 40 sec.

Nota : Tout instructeur membre du jury participant à l’évaluation de cette épreuve se réserve le droit d’interrompre toute remontée pouvant mettre en cause la sécurité.

Par rapport à l’ancienne RSE, on peut constater les différences suivantes : Elle s’effectue maintenant avec un départ à la profondeur de 25 mètres jusqu’à 10 mètres (au lieu de 20 mètres jusqu’à 3). La remontée s’effectue donc sur une distance de 15 mètres au lieu de 17 mètres. On évite donc la zone « 10-3 » ou la pression ambiante va varier du simple au quasi double. Par contre, le gradient de pression auquel on expose les stagiaires est de 1,5 bar (contre 1,7 bar auparavant) il n’ y a donc pratiquement pas de changement de ce côté là. Par contre , la vraie différence se situe dans le rapport de pression qui est de 1,75 pour la nouvelle version, contre 2,3 pour la RSE ancienne version. Comme me l’a signalé « Rg Diver » sur Facebook, si l’exercice est « raté » et que le plongeur dépasse la profondeur de 2 à 3 mètres (et donc faisait surface dans l’ancienne version), on passe sur un rapport multiplicatif à 2,06 et 3 (pour l’ancienne version). On voit bien alors que cette nouvelle version va dans le sens du renforcement de la sécurité. Le tableau ci-dessous explique ces écarts :

Variations RSE

L’autre grande différence vient du fait que le manuel précise que « Avant le début de l’épreuve, le candidat doit être stabilisé à l’aide de son SGS à une profondeur de 25 mètres (fond ou pleine eau) ». J’en ai donc déduit qu’on pouvait réaliser cette épreuve de 2 façons : stab vide avec un palmage propulsif, ou stab gonflée et avec gestion de la remontée à la stab.

Cette épreuve a toujours été pour moi assez compliquée à réaliser. C’est un exercice de « zénitude » ou votre cerveau vous envoie des informations contradictoires du genre jamais je n’aurai assez d’air, alors que la loi de Boyle-Mariotte fait en sorte que on a toujours un trop plein de gaz ! Du fait de ma participation assez régulière aux formations départementales, j’ai pu enseigner cette épreuve dans son ancienne version en appliquant quelques trucs que je relate dans cet article. Par contre, comme beaucoup de mes copains moniteurs, je n’avais encore jamais réalisé cette épreuve. Comme je vais certainement devoir l’enseigner prochainement, j’ai décidé de la réaliser avec mon ami C., tout comme moi moniteur fédéral dans notre club. Le but pour nous était de pouvoir ressentir la difficulté de cette épreuve et de déterminer les points sensibles lors de son enseignement. En regardant mon carnet de plongée, je me suis rendu compte que je n’avais pas dû réaliser de RSE complète depuis une dizaine d’année ! (là se pose à moi le souci du maintien des compétences pour un moniteur…Je pourrai y revenir plus tard dans un autre article).

Avec mon ami C., nous nous sommes donc mis d’accord sur deux scénarios pédagogiques pour la réalisation de cette nouvelle RSE. Nous avons expérimenté deux méthodes de démonstration :

  • Méthode 1 : Stab vide, posé sur un fond de 25 mètres
  • Méthode 2 : Équilibré à 25 mètres sur un fond de 27 mètres

La méthode 1 ressemble énormément  à la réalisation de la RSE ancienne formule. J’ai donc démarré avec un petit lâcher de bulles, ai pris une légère impulsion,  et j’ai adopté un rythme tranquille de remontée en commençant à expirer doucement vers 20 mètres. Il ne me restait que 10 mètres à parcourir, et comme je remontais trop doucement, j’ai dû remettre mon embout respiratoire en bouche vers 12 mètres.

La méthode 2 me stressait bizarrement plus que la première méthode. J’ai donc démarré comme précédemment avec un petit lâcher de bulles. une petite impulsion pour démarrer, et j’ai entrepris de purger ma stab afin qu’elle soit totalement vidé vers 18 mètres. J’ai adopté alors un palmage tranquille pour remonter gentiment jusqu’à la profondeur de 10 mètres. J’ai réalisé cette remontée en 45 secondes environ. J’ai aussi adopté une méthode particulière pour purger ma stab : j’ai gardé le doigt appuyé sur le bouton de purge du direct-system et j’ai contrôlé la purge en positionnant plus ou moins haut cette même purge. Cette technique m’a grandement aidé pour contrôler ma vitesse et parvenir à la purger complètement vers 18 mètres sans marquer « d’arrêt-buffet ».

De fait, j’ai préféré la deuxième méthode qui m’a parue plus simple à réaliser, alors qu’elle me paraissait plus complexe à mettre en œuvre.

Maintenant, quelle progression mettre en place pour enseigner cette RSE ? Voici l’état actuel de mes réflexions, qui s’articule autour de trois axes :

  • Faire une remontée complète en appliquant soit la méthode 1, soit la méthode 2, mais en gardant le détendeur en bouche afin de ressentir le temps de remontée.
  • Découper la réalisation de la RSE en plusieurs parties : de 25 à 20, de 25 à 18, de 18 à 10 mètres pour adapter sa vitesse et maîtriser l’expiration
  • Réaliser la RSE complète après avoir bien maîtrisé les deux premiers exercices.

Bien entendu, les quelques trucs pour bien réussir la RSE restent plus que jamais d’actualité ! Et vous moniteurs, avez-vous d’autres idées pour aider les stagiaires ? Quant à vous, stagiaires GP, comment ressentez-vous cette épreuve ? Merci d’avance pour vos retours !

 

10 réflexions au sujet de “La RSE « Nouvelle Version », plus dure ou plus facile ?”

  1. Salut Philippe,
    Prépa gp cette année, cette épreuve est particulière pour moi.
    En effet, le passif de mon Club (avec l’accident de mon président en prépa mf2 & le fait que je n’ai d’autre entraînement que les journées ctd avec pas de mf1 pour m’aider au Club à me préparer), la difficulté d’appréhension et de prise de connaissance de ces sensations cela me donne une épreuve que je ne comprends pas (sur mon futur de plongeur et E2) et dont j’ai du mal à me projeter dans la réalisation au stage final.
    Que dire de mes sensations, j’ai senti le « trop plein » d’air qui tape à la porte pour sortir, ok maintenant je sais quand il est tard de lâcher un peu… que dire de la remontée, pour moi 40s minimum pour faire ces 15 petits mètres d’un exercice stressant est une éternité. En mode ctd, j’ai été préparé sur RSE de 20 à 10m (avec temps cible 30s) avec la tutelle de Stagiaires Peda (prépa mf1). J’ai encore une séance de préparation puis un run lors de l’examen blanc tout cela pour capter une vitesse et les automatismes… bref je serais soulagé quand cette épreuve sera passée (et avec l’espoir d’avoir à minima 6 pour ne pas planter 1an de préparation et d’investissement sur cette démonstration technique.
    En ccl, j’espère que je serais au rdv pour ne pas planter cet épreuve et mon gp mais avec l’idée de l’inutilité de cet enseignement…
    (Qui plus est le sentiment de stress généré côté candidats et moniteurs sur cet exercice).

    • Merci Sébastien pour ta contribution ! Il faut dédramatiser cette épreuve : si tu laches 2-3 petites bulles au départ, tu peux t’en abstenir sur les 5 à 7 premiers mètres, ensuite tu laisses sortir le « trop-plein » et tu remontes moins vite que tes bulles. Pars avec un mental positif et ça passe tout seul !

  2. Bonsoir,
    J’ai beaucoup de mal avec cet exercice. Non pas pour le réaliser mais quant à l’utilité pédagogique même de cet exercice.
    « perfectionnement de la gestion ventilatoire, le développement de la maîtrise de soi et l’acquisition de la sérénité. »
    Pour avoir côtoyé la personne qui faisait faire cet exercice lors du dernier accident en date, j’ai beaucoup de mal à le faire faire.
    D’abord parce que je n’en vois aucune utilité, ensuite parce que je ne vois pas en quoi la réussite de cet exercice fera un bon GP. Quid de l’orientation, de la prise en charge des plongeurs, de la prise en compte des changements structurels de la typologie des plongeurs ….

    Autant je peux comprendre des exercices qui ont des objectifs péda se raccrochant au réel, autant je comprends qu’un certain nombre de ces exercices avaient une utilité certaine avec des matériels anciens, réserve mécanique, pas d’octo etc. Autant je ne comprends pas cette idée de vouloir faire perdurer ces démonstrations techniques qui n’ont, à mon avis, aucun intérêt dans la vraie vie.
    Difficile d’être objectif et sans ressenti. Du coup je préfère mettre un certain nombre de documents qui étaieront bien mieux que moi ce résidu d’une ère passée.
    http://www.scuba-people.com/page/un-accident-de-trop-rse
    http://www.scuba-people.com/page/mathieu-coulange-rse-scubaparte-francis-leguen-magazine-plongee

    • Merci Éric pour ton retour !
      Tu l’auras bien compris, l’objectif de mon article n’est pas de prendre position pour ou contre cet exercice, mais bien de donner un retour d’expérience et de proposer des bulles pour des moniteurs peut être pas très à l’aise avec cet enseignement
      Aujourd’hui cette épreuve est au programme, il faut l’enseigner de façon à ce que les stagiaires la réussissent

  3. Bonjour,
    Tout d’abord je trouve personnellement indispensable de maintenir cette exercice et satisfait de la modification de ce dernier par une modification de la zone d’évolution et l’arret du travail dans la zone des 10m- 3m.
    Il y a une quinzaine d’années Je me suis retrouvé dans un cas réel à 22M et bien content de maitriser la RSE.!!!
    voila pour la petite histoire….
    Etant aussi moniteur depuis 2000, j’ai aussi une approche d’enseignement de la RSE ou plutot de la manière de préparer l’atelier et de mettre le candidat en situation.
    Malgré ce que j’ai pu remarqué dans des clubs ou stages départementaux N4, il me parait essentiel voir indispensable de matérialiser l’atelier par un pendeur digne de ce nom pour les raisons suivante:
    -Définition claire de la zone de travail
    –visualisation plus simple de cette zone de travail depuis la surface pour la surveillance bateau.
    – référentiel de verticalité pour le candidat plus visuel et confortable
    -point d’appuis éventuel et rassurant
    -ascenseur psycologique avec la surface
    Le pendeur est donc à mon sens un outil indispensable à la sécurité lors de l’enseignement de cet excercice si « contesté ».
    Seconde constatation, sachant que cette excercice doit etre effectué dans la zone 25-10 m, pourqu’oi lors du choix du site de plongée par le DP aller chercher de la pleine eau avec parfois des fonds supérieur à 35m, ou est l’interet pédagogique ??? pourqu’oi donc se placer dans un situation accidentogène ? qu’est ce qui empeche de travailler sur un fond de 25 voir 27 m max avec un pendeur ? ne devons nous pas, nous encadrants, etre le plus irréprochable possible sur l’aspect sécuritaire de la préparation de nos ateliers pédagoqiques ?
    Nicolas

    • Merci Nicolas pour ta contribution !
      Je suis tout à fait en phase avec toi : le pendeur est un outil pédagogique dont on ne peut se passer dans l’enseignement de la RSE. Quand au choix du site, tu fais bien de remarquer qu’un fond de 27 mètres est parfaitement suffisant, pour garantir la sécurité des piou-pious !

  4. sans parler de l’approche générale sécuritaire dans nos préparations et planifications d’ateliers dont nous devons montrer l’exemple devant ces futurs N4 et plus tard j’espère moniteur…

  5. Hello,
    Je ne veux pas relancer la polémique RSE or not mais juste partager mon retour d’expérience du week-end dernier sur lequel j’ai passé (& validé) mon N4 & donc cette épreuve de RSE.

    Contexte :
    3ème demi journée d’épreuves (Matelotage puis 500 Capelé enchaîné sur RSE & fin des épreuves).
    Lors de mon capelé, nous sommes parti à 4 (l’épreuve impose un retour au nombre du départ sinon épreuve éliminatoire pour le groupe entier). A peine démarré de quelques mètres, un candidate se prends une grosse crampe au mollet.. je l’ai donc mise sur le dos, gilet gonflé et attrapé par la ceinture ventrale & poussée sur les 500 m de l’épreuve à la force de la palme… (ça fait monté le cardio, chauffer les mollets & monter le taux de CO2)…
    Retour du capelé, 10min de repos dans l’eau & de nouveau capelé pour aller au dessus d’une zone profonde (plus de 28-30m) puis descente lente, très lente en soufflant un max afin d’évacuer le CO2 & descendre le cardio.

    Arrivé sur fond de 28-30m, stabilisation zen sur 25m, 2-3 cycles ventilatoires avant de dire « ok je suis prêt » à l’examinateur. Ce dernier me dit « ok démarre » juste après la fin de mon inspiration, je refais un cycle, une bonne inspiration et hop je sors le détendeur, une petite bulle & 1 coup de palme léger pour entamer la remontée.
    Coté remontée, j’ai appliqué la méthode à Philippe, impulsion sur une base stabilisée puis laisser remonter et tout purger vers les 20-18m et laisser ralentir pour repartir doucement avec l’expansion du gaz restant dans la stab, et petit palmage si besoin…. profil impeccable, 20s pour faire 25-20m à 18m/min puis 40s pour faire 20 à 10m à 13m/min.
    Coté expiration,
    lors des exercices & stage banc, les moniteurs nous donnes des pistes de choses à se mettre en tête afin de ne pas penser durant l’exercice : compter, chansonnette, déroulement d’une soirée…. bref je ne trouve pas mon idée….
    3 semaines avant l’examen, me vient l’idée de la pastèque !!! oui une pastèque… quand on mange un morceau de pastèque, on mâche 3-4 fois & un crache les pépins… donc mon idée sera (& a été) de mâcher 2-3 fois et cracher un pépin (bien ciblé vers le masque de l’examinateur afin qu’il ne manque pas ce lâcher 🙂 )
    Résultat, une remontée tranquille, dans penser (je ne sais absolument pas combien de pépins j’ai craché) et zen….
    résultat, une super remontée (je n’avais jamais fait si bien 🙂 ).
    Voila mon récit factuel, il n’a absolument pas cible de lacer une polémique ni de décrire une manière optimale mais juste ma méthode…
    Etant dans le doute complet à quelques semaines de l’examen, j’ai cherché beaucoup d’infos, comme celles de Philippe (dont une partie utilisée). Mon récit servira (je l’espère) à l’autres candidats à cet examen de piste de réflexions 😉

    • Seb, grand merci pour ton retour d’expérience !
      Le coup de la pastèque je n’y avais jamais pensé ! Comme quoi, chacun trouve une solution pour gérer son mental !

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