Le Nitrox, oui, mais pour quoi faire ?

Quand on développe ses compétences de plongeur, on est tôt ou tard « confronté » à la proposition d’effectuer la formation « Plongeur Nitrox ». Au sein de mon club, depuis 6 ans, nous avons intégré cette formation au cursus PA20 / Niveau 2, afin que les stagiaires obtiennent directement cette qualification, et aussi pour que les moniteurs augmentent leur niveau de sécurité. Cette généralisation a eu comme effet que je ne plonge quasi plus à l’air. L’idée de ce billet est donc de faire un petit bilan personnel et de rappeler les avantages supposés et les contraintes d’utilisation des mélanges suroxygénés (sans tomber dans l’hagiographie du Nitrox, on trouve déjà beaucoup de littérature sur le Web à ce sujet !). Je rappellerai donc les contenus des formations dédiées, à qui elles s’adressent, et  la façon dont j’appréhende leurs usages.

Le Nitrox présente plusieurs avantages : son usage permet d’augmenter la courbe de sécurité (à profondeur égale, on plonge plus longtemps sans paliers), à titre d’illustration en utilisant les vieilles Tables MN90, avec un Nitrox 32 %, en plongeant à 20 mètres, on peut rester jusqu’à 50′ en immersion sans avoir à effectuer de paliers (au lieu des 40′ prévues par les Tables, soit un gain de temps de 25 %)… Avec le même mélange, en plongeant à 30 mètres, on double la durée d’immersion sans palier (on passe de 10′ à 20′). Les autres avantages sont liés à la sécurité intrinsèque du plongeur : comme il y a moins d’azote dans le mélange, on est moins sujet à la narcose, et on diminue le risque d’exposition à l’accident de désaturation.

Le Manuel de Formation Technique de la FFESSM définit 2 qualifications différentes :

  • Plongeur Nitrox
  • Plongeur Nitrox Confirmé

La qualification « Plongeur Nitrox » est accessible à tout plongeur (ou plongeuse) âgé d’au moins 14 ans, et titulaire au minimum du niveau PE12 (Plongeur Encadré à 12 mètres). D’autre part, pour pouvoir accéder à cette formation, il faut avoir effectué au moins 10 plongées dans la zone des 20 mètres (attestées sur le carnet de plongées par exemple). J’ai pour habitude de dispenser un petit cours théorique, préalablement aux 2 plongées nécessaires pour obtenir cette qualification. Le support du cours est consultable ci-dessous :

Les 2 plongées sont réalisées dans la zone des 15-20 mètres et ont pour but d’ancrer les rituels sur la procédure de contrôle du bloc utilisé, de détermination de la profondeur maximale autorisée (notée M.O.D. pour « Maximum Operating Depth »), et de vérifier que la stabilisation est correctement maîtrisée.

La qualification « Plongeur Nitrox Confirmé » est elle accessible à tout plongeur âgé d’au moins 16 ans, titulaire au minimum du brevet de Plongeur Niveau 2 ainsi que de la qualification « Plongeur Nitrox ». Il faut de plus pouvoir prouver avoir effectué au moins 10 plongées dans la zone des 30-40 mètres. De même, pour dispenser cette formation, j’assure un cours théorique préalable aux 4 plongées à effectuer pour obtenir la qualification. Le support du cours est consultable ci-dessous :

Les 4 plongées supplémentaires sont effectuées dans la zone des 30-40 mètres, et ont pour principal objectif, la gestion de la décompression sur des profils un peu plus « engagés » (c’est à dire amenant du palier), avec des exercices de stabilisation et la gestion d’un « Pony » de décompression gonflé soit à l’oxygène pur, soit (et c’est ce que je préfère) avec un bloc de déco gonflé au Nitrox 80 % (ce qui met les plongeurs en sécurité sur la décompression, la M.O.D. étant fixée à 10 mètres dans ce cas précis). Idéalement, le changement de gaz est aussi pratiqué sur les ordinateurs (si ceux-ci le permettent).

Alors à qui s’adressent ces deux formations ? Pour la qualification « Plongeur Nitrox », j’ai tendance à considérer que tous les plongeurs et les plongeuses, dès qu’il sont titulaires d’un brevet de plongeur encadré, devraient passer cette qualification, elle est très simple à obtenir, et offre de vraies perspectives en changeant la pratique du plongeur. À titre personnel, je ne conseille la qualification « Plongeur Nitrox Confirmé » qu’aux plongeurs qui vont réellement en avoir besoin : ainsi je la réserve plutôt aux plongeurs expérimentés, Niveau 3, qui pratiquent régulièrement de la plongée profonde, voire très profonde (au-delà de 40 mètres) et pour qui la gestion d’une décompression en toute sécurité devient un élément clé des plongées pratiquées. Un autre élément sur cette qualification, est qu’elle développe la pratique du « What if …? » (Que faire si tel incident survient ?) et sensibilise les plongeurs à de vraies techniques de planification. Un plongeur Niveau 2, qui plonge de façon épisodique dans la zone des 35-40 mètres n’a pas de nécessité réelle de passer cette qualification. Enfin, l’utilisation d’un pony requiert une certaine technicité que l’on perd si on ne pratique pas régulièrement. Par contre, je considère que tout plongeur Niveau 4 – Guide de Palanquée se doit de posséder cette qualification, en effet, d’un point de vue réglementaire, pour encadrer des plongeurs qui plongent au Nitrox, le Guide doit lui-même plonger avec un mélange lui permettant d’encadrer en toute sécurité (il doit avec une M.O.D. plus profonde que les plongeurs encadrés), et il doit disposer de cette qualification.

Par contre, le Nitrox expose le plongeur qui  en utilise, à des pressions partielles d’oxygène supérieures à celles de l’air comprimé classique, ceci peut amener des lésions en cas de surexposition prolongée (on limite à 2 heures le temps max d’une plongée au Nitrox). Il faut donc rester raisonnable (comme pour tout ceci dit) avec son usage. En ayant échangé avec des amis médecins fédéraux, nous avons décidé, avec les autres encadrants de mon club, de limiter la pression partielle maximale d’exposition à 1,4 bar pour le mélange fond, ceci afin de limiter le risque d’œdème pulmonaire d’immersion (pathologie que l’on rencontre plus souvent qu’auparavant, certainement dûe au vieillissement de la population des plongeurs. Ainsi nous utilisons un Nitrox 28 % en lieu et place du classique Nitrox 32 % lors d’immersion dans la zone des 35-40 mètres. Le bénéfice en est immédiat : on augmente la sécurité, il n’y a pas réellement de différences en termes de paliers à effectuer et le coût de fabrication pour le club est moindre !

On ne ressentira pas vraiment les bienfaits du Nitrox sur une journée de plongée isolée (en tout cas, je ne l’ai pas vraiment ressenti personnellement), par contre sur un programme de plongée sur une semaine, le bénéfice devient immédiatement visible. Typiquement sur des programmes de croisière en Mer Rouge, où l’on est amené à effectuer 3 plongées par jour pendant une semaine complète (soit 16 à 17 plongées effectuées en 5 jours), on ressent nettement moins de fatigue en utilisant du Nitrox ! J’ai pu le constater de mes yeux lors de ma toute première croisière en 2007. À cette époque, l’usage du Nitrox n’était pas encore généralisé sur les bateaux de croisière, et il fallait payer un supplément (de mémoire de l’ordre de 30 €) pour pouvoir en bénéficier lors de la croisière (alors qu’aujourd’hui, le Nitrox est « gratuit » pour tous les plongeurs certifiés). quelques participants à cette croisière, pourtant plongeurs émérites, étaient restés « à l’air » et avaient été contraints de déclarer forfait sur les dernières plongées à effectuer, alors que nous ne ressentions pas le moindre signe de fatigue de notre côté. Si les croisiéristes en ont généralisé l’usage, ce n’est certainement pas par philanthropie, mais bien pour augmenter leur propre marge de sécurité en diminuant le risque d’accident et de plus, ils peuvent ainsi proposer de passer les qualifications à l’occasion de la croisière, ce moyennant « quelques » Euros à débourser. On commence à trouver des centres de plongée qui pratiquent le « Nitrox For Free ». Je ne peux qu’encourager cette pratique, tant elle me semble aller dans le bon sens, malheureusement, elle est encore trop confidentielle. De plus le centre qui pratique ce genre d’approche à un véritable avantage concurrentiel face à ses « concurrents » locaux. Parmi les centres avec lesquels j’ai pu plonger, je peux citer le Calypso Diving Centre sur Gozo qui propose gratuitement de plonger avec du Nitrox 32 % ou du Nitrox 28 % en fonction des plongées prévues. De même, le centre de plongée L’excelsus à Saint-Leu sur l’île de La Réunion, a la même approche…

Pour un club qui possède déjà une station de gonflage, l’investissement à réaliser pour fabriquer du Nitrox n’est pas si important que cela. A titre d’exemple, dans mon club, nous nous sommes dotés d’un « Stick Nitrox » manuel, de sur-filtres, et nous avons signé un contrat de location de bouteilles d’oxygène, cela a représenté un investissement initial de l’ordre de 3 000,00 €, puis un coût de fonctionnement annuel d’environ 2 000,00 € pour fabriquer du Nitrox à la demande.

Encore un point qui me pousse à choisir le Nitrox comme mélange respiratoire dès que je le peux, c’est mon âge. Bien que je me considère encore « jeune » (on ne rigole pas) et plutôt en bonne forme. Je sais que, à plus de 50 ans, mes capacités de récupération ne sont plus celles que j’avais à 30 ou 40 ans. Plonger au Nitrox est donc pour moi une vraie opportunité de ne pas trop me fatiguer, ou plutôt de ne pas trop user mon corps.

Et vous, vous avez déjà vos qualifications Nitrox ? Non, quand est-ce que vous les passez ? Si vous en titulaires, partagez-vous (ou pas) les mêmes points de vue que moi ? Merci par avance pour vos retours !

 

 

5 réflexions au sujet de “Le Nitrox, oui, mais pour quoi faire ?”

  1. Merci Phil pour cet article (et beaucoup d’autres).

    Je suis globalement d’accord avec toi sur les bienfaits du Nitrox et ses contraintes.
    Bien entendu il fait tenir compte de la MOD qui implique planif et « What if … » que l’on devrait toujours appliquer (je pense aux N3 confirmés qui l’oublient régulièrement).
    Au chapitre limitations il y a donc la MOD = le nitrox ne peut « raisonnablement » s’utiliser que jusqu’à ~40 mètres,
    il y a aussi le coût dont tu parles : Pour mon club (associatif) qui fait gonfler chez un prestataire, ça veut dire anticiper en vidant les blocs pour les remplir au nitrox …. Si plongée annulée (météo, malade, …) il faut vider les blocs concernés pour les regonfler à l’air … Donc pas mal d’agent envolé. Idéalement il faudrait avoir deux jeux de blocs.

    Gilles

    • Merci Gilles pour ton retour ! c’est vrai que le coût des plongées Nitrox peut ne pas être négligeable

  2. Étant âgé de 65 ans, je me questionne sur l’utilisation de Nitrox uniquement pour la déco. Je m’explique, je plonge dans la zone 45-55 m. à l’air et souhaite allonger mon temps sur les épaves ainsi que sécuriser et limiter la phase de désaturation. Plonger profond à l’air évite l’hyperoxie qu’induirait fatalement l’utilisation de Nitrox (même 32). Par contre, utiliser l’air de ma 15l. puis utiliser du Nitrox 32 d’un bail-out de 7l. pour les paliers me semble une bonne solution. Que pensez-vous de cette idée ? Merci d’avance pour votre avis !

    • Pour ma part je plonge a l’air avec une deco Ntx 40% se qui me réduit presque de moitier mes paliers , mais en aucun cas , pour moi cela ne me prolonge la plongée , je planifie ma plongé avec une deco air et une réserve soit de 50 bars , soit de 1/3 de mon bloc suivant la profondeur , il faut toujours pouvoir en cas de problème revenir sur l’air et de se fait avoir suffisamment d’autonomie pour finir la plongée sans aller biberonner sur le binôme .

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