Lorsqu’on rejoint le monde de l’encadrement (en passant le diplôme de Guide de Palanquée), on a tôt ou tard la charge de retourner gonfler le parachute de relevage pour aider à remonter l’ancre du bateau. Tous les plongeurs et plongeuses que je connais (y compris moi-même) ont toutes et tous été fiers de la confiance que leur accorde le Directeur de Plongée quand il dit : « X, tu pourras redescendre gonfler le parachute si il te reste suffisamment de gaz ? ». Le regard croise alors celui du DP et un hochement de tête signifie oui, j’y vais… Pourtant redescendre seul même sur un fond de 10 à 15 mètres est totalement accidentogène et en contradiction totale avec tout l’enseignement qui nous a été délivré et que nous, moniteurs, continuons à transmettre à nos apprenants en rappelant la règle d’or « Seul, jamais tu ne plongeras ». J’ai moi-même pratiqué cet exercice en solo plusieurs fois (et je suis forcé de reconnaître le plaisir intense provoqué par la descente en solo et l’impression de disposer de l’océan pour soi tout seul) , mais j’ai décidé de ne plus jamais redescendre seul pour remonter l’ancre. Pour éclairer cette décision, je vais vous raconter dans ce petit billet ce qui m’est arrivé lors d’une plongée ou j’ai dû redescendre à la demande du Directeur de Plongée.
A l’occasion d’une sortie avec mon club de plongée, nous sommes allés plonger en baie de Douarnenez sur l’épave « La Perle ». Nous utilisions les moyens logistiques du Centre ISA de Crozon-Morgat, notre groupe de plongeur était sous la Direction de Plongée de Patrick, le responsable du centre. L’épave de La Perle est une des attractions de la baie, c’était un navire-école de pêche qui a talonné sur une roche au sud-ouest du Cap de la Chèvre (à l’entrée de la baie de Douarnenez) et coula pendant la tentative de remorquage. L’épave fût renflouée le 15 mars 1985 mais le coût de son réarmement ayant été jugé trop élevé, elle fut ré-immergée le 24 du même mois au milieu de la baie à côté du Castel-Meur pour en faire un récif artificiel. Cette épave est magnifique, le bateau a entièrement gardé sa peinture blanche originelle, et il est colonisé par des alcyonaires jaunes ainsi que des œillets. Elle est posée sur le sable et penche du côté tribord.
Lors de cette sortie, Patrick avait parfaitement mouillé l’ancre de façon à ce qu’elle soit posée sur le pont avant, la chaîne de l’ancre passant au-dessus du poste de pilotage, la plongée s’était parfaitement déroulée, je plongeais avec 2 plongeurs Niveau 2 fraichement certifiés qui avaient beaucoup aimé la concentration de vie sur cette épave, de plus c’était leur première « profonde » !
En remontant à bord de la Fauvette (le magnifique bateau du Centre ISA), Patrick me demande si je suis ok pour aller installer le parachute de relevage et l’actionner, ce que j’accepte bien volontiers, mais comme l’ancre gît par environ 25 mètres de fond, je propose à mon ami C. (moniteur fédéral comme moi) de m’accompagner pour réaliser la manœuvre de façon plus sécurisée. C. dispose d’un bloc de 15 litres dans lequel il lui reste environ 90 bar et j’ai moi-même un bi-bouteille 2×10 litres dans lequel j’ai encore 120 bar. nous n’avons donc pas de problème de stock de gaz a priori !
En redescendant sur l’épave, nous constatons que la renverse de marée a eu lieu et donc le courant s’est inversé, ainsi le bout de l’ancre a tourné, la chaîne s’est accrochée dans les superstructures du poste de pilotage. Nous prenons soin de la libérer et la laissons pendre vers tribord. En arrivant à l’ancre, j’installe le parachute, tandis que C. assure la sécurité de notre palanquée. Je gonfle une première fois le parachute et l’ancre commence à décoller de 2 à 3 mètres, mais la chaîne qui « pendouille » se coince dans le bastingage. nous devons donc redescendre de quelques mètres, je force un peu pour décoincer la chaîne, il me faut remettre un peu de gaz dans le parachute et la remontée reprend avec un peu plus de vitesse cette fois ci. Mais la chaîne se coince de nouveau, maintenant à côté du poste de pilotage. Je redescend encore avec C., je force de nouveau, et sans vraiment m’en apercevoir, je démarre un léger essoufflement. Il est trop tard quand je m’en rends compte, et je dois le signaler à mon binôme… nous remontons un peu, je me calme et je maîtrise mon essoufflement… Mais la chaîne de l’ancre est toujours coincée… Il nous faut nous y reprendre une troisième fois pour que le parachute de relevage remplisse alors complètement son rôle… Le seul souci en ce qui me concerne, est que mon essoufflement a repris, certainement dû à la situation de « stress » à laquelle nous avons été confronté… C. et moi remontons, je parviens à reprendre le dessus une nouvelle fois, C. envoie son parachute de signalisation et nous effectuons tranquillement notre palier.
Lorsque nous nous déséquipons, je discute avec C. et au vu de ce que nous venons de vivre sous l’eau (l’essoufflement en ce qui me concerne, les yoyos dûs à la chaîne de l’ancre), nous convenons ensemble que nous allons préconiser que dorénavant plus aucun plongeur de notre club ne descendra seul pour remonter l’ancre (cela a été d’ailleurs validé). En contrôlant mon manomètre, je constate que je n’ai plus que 40 bar dans mon bi-bouteille, cela étant bien entendu dû au gonflage du parachute (de taille respectable car il fait 100 litres !), mais aussi à l’essoufflement que j’ai subi. Que ce serait-il passé si j’étais redescendu seul ?
Bien sûr, l’idée de mon article n’est pas d’effrayer qui que ce soit, mais bien de faire prendre conscience qu’il n’est pas raisonnable de descendre seul effectuer ce genre de manœuvre. Et vous, quelle est la politique au sein de vos clubs respectifs ? Merci de vos retours !
Je ne peux qu’acquiescer une sage et très bonne décision. Dans notre club, le parachute de relevage est descendu avec les premiers plongeurs qui l’accroche et le gonfle légèrement (ce qui fait également un point de repère étant donné sa couleur orangée). La dernière palanquée (en général celle qui assurait la sécu lors de la première plongée) est chargée quant à elle, de gonfler ce parachute pour dégager l’encre et d’effectuer ensuite tranquillement leur(s) palier(s).
Si ça peut aussi aider.
Amitiés
Patrick
Merci Patrick ! C’est effectivement une bonne pratique, quand on peut l’appliquer ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas !
merci Philippe. Quelle aventure!!!
comme quoi, un problème peut effectivement arriver à n’importe qui, même très expérimenté…
bonne soirée.
De rien Lætitia ! A force de raconter mes aventures subaquatiques, on va finir par croire que j’ai la scoumoune ! 😉
Bonjour
Merci pour ce retour qui confirme mon point de vue sur le sujet.
En effet lorsque j’ai débuté la plongée, 2 personnes de mon club étaient reparti pour défaire le bout et à la remontée, nous avons appelé les pompiers dû à une remontée rapide. En effet les 2 personnes ont eu du mal avec le bout et ils n’ont pas prêter attention à leur conso, absorbés par leur tâche. Lorsqu’ils en ont pris conscience il était un peu tard.
Ça m’a marqué.
Donc effectivement descendre à 2 avec une personne pour la sécurité me semble juste indispensable.
Benoit
Merci Benoit pour ton retour ! Effectivement, la première palanquée peut installer le parachute, et la dernière le remonter si elle retrouve le mouillage, dans le cas contraire, restons exemplaires et descendons à 2 !
Salut…Je suis tombé par hasard sur ton récit…en fait un copain moniteur qui a partagé ça sur ça page FACEBOOK…il s’est contenté de partager…moi je lui ai répondu ce qui suit…ça vaut ce que ça vaut !!! Salut Hervé…pour revenir sur ce billet, j’avoue être quelque peu surpris qu’on puisse demander à quelqu’un au retour d’une plongée de redescendre avec le parachute de relevage pour remonter l’ancre…Dans mon club, quand on a croché sur une épave, avant que la 1ère palanquée parte assurer le mouillage, le parachute descend tout seul le long de la ligne de mouillage croché avec un gros mousqueton et lesté par une petite gueuse. les premiers à descendre ne sont même pas encombré par le parachute…au fond ils crochent l’ancre et le balise avec le parachute légèrement gonflé. La dernière palanquée a la charge de retrouver et décrocher le mouillage. Si l’ancre reste crochée alors que tout le monde est remonté, c’est un INCIDENT..soit la dernière palanquée n’a pas retrouvé le mouillage, soit pour une X raison l’ancre est retombé au fond et s’est a nouveau croché…parachute pas assez gonflé ou un morceau de ferraille ou une roche plus haute que l’endroit ou on a laissé le parachute en suspension qui retient l’ancre en dérive….mais c’est très rare…alors redescendre OUI…mais SI… si 2 pour redescendre, si des blocs encore assez chargés, si l’heure et la marée le permettent, si profondeur raisonnable…enfin avec les SI que la raison impose…et si c’est pas possible et suivant les moyens de chacun…le mouillage reste au fond, ou on revient le chercher la plongée suivante, ou au risque de tout se faire piquer on met une bouée …Enfin bref je ne mettrais pas ma vie en jeu pour un mouillage de quelques dizaines d’euros…Bref pour conclure et ce qui me fait réagir, c’est le fait que l’on puisse avoir une organisation de plongée qui consisterait de faire redescendre un plongeur après sa plongée pour remonter l’ancre …ça je comprend pas bien…mais bien sûr je ne force personne à me croire émoticône wink…Domi
Bonjour Domi, merci pour ton retour,
la pratique de faire redescendre un plongeur pour gonfler le parachute de relevage est très répandue sur les côtes bretonnes (depuis les Côtes d’Armor, jusqu’à l’estuaire de La Loire).
Pour le centre cité, j’aimerai avoir la compétence du DP du Centre ISA, l’ancre de la fauvette (bateau historique qui faisait les liaisons de la côte vers Bréhat en 1953) fait au moins 11 kilos, et il y a un bon 20 mètres de grosse chaîne. La contexte particulier explique certainement cette façon de faire…
Maintenant, oui c’est mieux quand la dernière palanquée retrouve le mouillage et gonfle directement le parachute…
L’objet de mon article est de bien sensibiliser au fait de ne pas redescendre seul si cette situation se présente, rien de plus.
A une prochaine sur ou sous l’eau.
Bonjour.
Question probablement sotte mais tant pis: comment sait-on que l’on est la dernière palanquée? L’ordre de mise à l’eau ne correspond pas systématiquement à l’ordre de remontée, il suffit que l’un des membres de la dernière palanquée ait un problème (narcose par exemple).
Merci Jean-Louis,
Ta question n’est pas sotte du tout !
Pour être sûr d’être la dernière palanquée, il faut par exemple se mettre à l’eau 15 minutes après le départ de l’avant-dernière. Si un pilote reste à bord, on remonter l’ancre tout de suite avec un parachute et le bateau reste en surveillance et récupère les palanquées au fur et à mesure. Si on veut « bétonner », la dernière palanquée se met à l’eau après que toutes les autres soient remontées (mais ça coute du temps !).
Bonjour,
Je ne peux qu’acquiescer. Cette pratique existe aussi en Méditerranée, et il faudrait en effet y mettre un terme ;-). J’ai toutefois 2 arguments – qui me semblent importants – pour que le pré-gonflage de “la vache“ soit réalisé en tout début de plongée.
1 : Vue sa taille et sa couleur (généralement blanche), c’est un signal visible qui facilite le retour au bateau en fin de plongée.
2 : En général, c’est un guide de Palanquée qui s’occupe du gonflage… or il vaut mieux y placer son air en début de plongée et organiser celle-ci en conséquence du reliquat réel, plutôt que se de retrouver surpris à la fin, surtout s’il y a des sketches en cours de plongée, (courant non prévu, inversé ou ayant forci, panne d’air d’un plongeur sous notre responsabilité, etc…). De plus, si sketches il y a, ceci peut justifier qu’on soit justement… la dernière palanquée, chargée de facto de libérer “la vache“.
Dans ce cas, on est bien content de remonter au bateau (et pas à 50m) grâce “à la vache“ déployée, bien visible et déjà gonflée. Et si l’ancre est crochée malgré tout, il sera temps de décider à bord et au sec comment on va s’y prendre… à deux.
Merci Luc !
Effectivement, une bonne stratégie peut être : la première palanquée installe le parachute et le pré-gonfle, la dernière le regonfle pour favoriser la remontée de l’ancre, et si elle ne le retrouve pas, on peut redescendre à 2 pour assurer la manœuvre… en toute sécurité !