Les bulles, ça monte ? Oui mais pas toujours … !

Dans mon article précédent, je vous ai fait un rapide résumé de la croisière « Triangle d’or » que j’ai effectué avec S. (ma binôme préférée) ainsi que mon ami T. Sur l’ensemble de cette croisière, j’ai découvert que les courants violents auxquels les plongeurs peuvent être confrontés sont littéralement impressionnants ! Nous avons effectué cette croisière alors que nous sommes des plongeurs  « expérimentés »  : ma binôme est Plongeur Niveau 3 avec plus de 250 plongées en Manche, Atlantique, Méditerranée, et Mer rouge, tandis que T. est Moniteur Fédéral 2ème degré et totalise lui aussi un grand nombre de plongées, quant à moi, j’affiche « au compteur » environ 800 plongées) … Nous avons été soumis à un phénomène que je souhaite vous faire partager dans ce petit article….

Tout cela s’est déroulé dans la matinée du mardi 16 Juillet 2013. Après notre réveil matinal (05h30) et le briefing de notre Directeur de Plongée, nous embarquons sur les semi-rigides du bateau pour notre première immersion de la journée et notre dernière immersion sur le site de Little Brother. L’ambiance est bonne et nous évoquons la possibilité de revoir la raie manta que nous avions croisé la veille ou bien la possibilité d’apercevoir des ailerons de squales (requins gris, marteau, …). Nos amis égyptiens nous larguent à la pointe nord du récif et nous effectuons une descente dans le bleu (j’adore ça !) pour nous positionner à la pointe du récif vers 35 mètres de profondeur. Arrivés à cette profondeur, nous sommes soumis à un courant  très violent qui propulse T. vers le fond et l’amène en quelques secondes à 45 mètres. Je parviens à éviter cette veine de courant (je ne sais encore trop comment) et je vois le tombant défiler devant moi horizontalement à toute vitesse ! La palanquée se regroupe et je peux lire dans les yeux de T. qu’il a subi une expérience pas très agréable ! Au milieu du récif, c’est à mon tour d’être surpris par le courant  : je remonte à grande vitesse vers la surface, emporté par un courant ascendant. Je purge donc mon gilet stabilisateur et me retrouve toujours en trajectoire ascendante à 20 mètres avec ma stab totalement purgée !
nous parvenons quand même à gérer ce courant et terminons notre plongée sans encombres au sud du récif. J’envoie mon parachute et rejoins la surface pour atteindre le bateau à la palme toujours dans un fort courant, S. et T. rejoignent le bateau à 4 mètres de profondeur et manquent de rater les  échelles perroquet du fait de la violence du courant ! Nos amis égyptiens mouillent alors une ligne de vie pour faciliter l’accès au bateau…

Remis de nos émotions, fatigués par cette plongée sportive, nous allons prendre notre petit déjeuner et sacrifier au rituel de la sieste pour récupérer avant notre deuxième plongée : l’épave du Numidia. Cette épave est très célèbre en Mer Rouge, et nombreux sont les ouvrages et les blogs décrivant cette plongée.

numidiaLe Numidia était un cargo anglais de 130 mètres de long et de 6 400 tonneaux. En juillet 1901, Il faisait son premier voyage depuis Glasgow avec une cargaison de locomotives pour les chemins de fer indiens à Calcutta. Il transportait environ 7 000 tonnes de matériel. L’histoire de son naufrage est mal connue, mais il semblerait que pendant la nuit du 19 au 20 Juillet 1901, le capitaine, ayant passé la relève à son second, soit allé se reposer dans sa cabine. Le second se serait assoupi et se serait réveillé vers 02h00 du matin alors que le cargo était extrêmement proche de la pointe nord de Big Brother.  Il aurait alors ordonné une manœuvre d’évitement en faisant abattre le navire sur bâbord, mais les courants (toujours eux !) ont fait dériver le cargo qui heurta le récif par la poupe et s’immobilisa. Il n’y eut pas de victimes et les 97 hommes d’équipage purent rejoindre l’ile de Big Brother. toutes les tentatives de remise à flot échouèrent et le navire coula finalement 7 semaines après le naufrage. L’épave repose presque verticalement entre 10 et 80m. La poupe détruite est à 10 mètres, tandis que la proue se trouve à 80 mètres. Cette épave est réputée comme étant une des plus belles épaves de Mer Rouge est est très concressionnée (à la différence du Thistlegorm qui a presque tout perdu tant cette épave est fréquentée).numidia_0

Nous étions donc tous très impatients de plonger sur cette épave ! Notre directeur de Plongée nous emmène donc à la pointe nord de l’ile de Big Brother, il se met à l’eau pour vérifier rapidement le courant, et nous annonce que les conditions semblent idéales avec un courant traversier venant du nord ouest et qui ne parait pas trop violent. Nous nous rappelons nos consignes habituelles (bascule stab vide, « check » à 5 mètres puis descente sur l’épave et regroupement à ce moment là) et nous nous mettons à l’eau.

A la bascule, je me rends compte que l’épave est littéralement énorme. Le courant ne semble effectivement pas trop violent et je parviens à descendre sur le côté tribord de l’épave où je trouve un endroit près de la coque totalement protégé du courant, j’y attend donc ma palanquée en regardant vers la surface. Je vois alors T. arriver environ à 10 mètres de moi, s’arrimer dans les structures métalliques, et immédiatement, il est positionné en drapeau (signe que le courant est très fort à cet endroit). Quant à S., elle parvient à rejoindre aussi le côté tribord mais se positionne environ 3 mètres plus bas que bas et doit s’accrocher à la coque pour ne pas être emportée par le courant.

Je comprends immédiatement, qu’il ne nous sera pas possible d’explorer l’épave du Numidia ! le courant au fond, n’a rien à voir avec celui présent en surface.

S. me fait qu’elle est en difficulté, en effet, le courant a fait fuser son détendeur de secours et elle a perdu 60 bar sur son stock de gaz. Je descends la retrouver pour l’aider à se repositionner correctement, je fais signe à T. qui nous rejoint aussitôt. Je propose que nous remontions le long de la coque pour rejoindre le récif, ce que  la palanquée accepte, mais à peine nous sommes nous éloignés d’un mètre ou deux de la structure de l’épave, que nous sommes aspirés vers le fond ! S. me fait signe que ça ne va pas, je passe en posture d’assistance, gonfle nos stabs et j’attends… mais rien ne se passe. Nous descendons toujours. Je suis alors très désorienté car nous sommes dans un chapelet de bulles, j’ai alors le réflexe de purger ma stab pour « ralentir » ce que je crois être notre remontée, et nous coulons alors encore plus. S. se met à palmer, T. l’en empêche (fort heureusement, cela n’aurait que poussé S. vers l’essoufflement), je gonfle ma stab au maximum et j’attends… Nous atteignons 43 mètres, les secondes sont très longues, mais à un moment, nous finissons par remonter et nous rejoignons le récif à la profondeur de 20 mètres…

Une belle frayeur nous a donc parcouru, nous nous regroupons et longeons Big Brother main droite dans la zone des 15 mètres. Nous finissons notre plongée quand T. envoie son parachute et notre « zodiacman » vient nous rechercher.

En conclusion de cette « mésaventure » suite à ces 2 plongées sportives, je considère que les plongées en dérivante dans le courant sont effectivement des plongées à réserver à des plongeurs aguerris. C’est la première fois dans ma vie de plongeur que je suis confronté à ces types de courant descendant contre lesquels on ne peut pas lutter. Pour rappel, face à une situation pareille, il convient d’assister ses partenaires comme on peut (ce qui signifie que les prises techniques doivent être absolument parfaitement maîtrisées en situation d’enseignement) et qu’il faut proscrire le palmage dans la zone des 40 mètres, en effet, tout effort dans cette zone vous mettre « dans le rouge » et vous amènera vers l’essoufflement, ce qui va encore complexifier la situation… L’important est de disposer un gilet stabilisateur avec un volume important, doté d’un inflateur rapide, et enfin de laisser notre ami Archimède agir, il le fait toujours, même au bout d’un certain temps !

N’hésitez pas à me faire part de vos commentaires sur cet article, ce qu’il vous inspire ou bien si vous avez déjà vécu ce type de situation, je serais heureux de partager avec vous.

4 réflexions au sujet de “Les bulles, ça monte ? Oui mais pas toujours … !”

  1. Bonjour,

    J’ai lu avec attention votre récit après avoir lu ce qui « avait » pu arriver à Laurent Bourgnon (un courant descendant) alors que visiblement, lui, était seul en plongée.
    Après votre récit on se rend compte de la dangerosité de ces sites, et je me demandais ce que vous pourriez dire de l’intérêt et du plaisir de plonger sur de tels sites en perspective avec les risques ?
    Vous étiez 3, très expérimentés, et à vous lire on a l’impression que cela aurait quand même pu tourner assez mal avec plus de « malchance » (?), et que la plongée s’est un peu résumée à une lutte pour sortir de ce mauvais pas.

    Bien sûr j’imagine que votre article était centré sur ce fait de plongée (comme les récit de voile concernant les grains et autres faits météo) mais au final, que diriez-vous du plaisir et de l’intérêt de plongées sur ce type de site « dangereux » ?

  2. Brothers en 2014 … trop jeune plongeuse pour m’aventurer sur ces épaves et nettement refroidie par ce récit (Très instructif et un bon avertissement par rapport à ma jeune expérience de plongeuse donc à cet endroit merci !!) … j’ai préféré ne pas prendre de risques à ce moment là, car je n’aurais pas eu tes réflexes pour me sortir de pareille situation … je ne parle pas du niveau des croisiéristes présents cette semaine là, qui n’auraient pas gérer non plus ni pour eux, ni pour les autres … Merci pour tes narrations et tes retours d’expériences et ces partages !

    • Merci Nathalie ! Les bons réflexes, c’est mon ami T. qui les a eus, car je pense que je n’aurais pas eu son calme… En même temps ça m’a appris l’assistance à 3 ! Sur cette croisière, les conditions sont visiblement très différentes d’une période à l’autre… Il semble que l’époque de la Toussaint soit la période la plus propice, car il paraitrait qu’il y a moins de vent…

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