Une illustration de l’intérêt de la décompression au Nitrox

En Janvier et Février dernier, j’ai eu l’occasion de plonger avec mes amis C. et L. pour pratiquer de la plongée « Nitrox confirmé ». L’idée était de continuer à pratiquer pendant la trêve hivernale et de continuer à maintenir nos compétences d’encadrants et de moniteurs. Le principe retenu pour ces plongées était le suivant : immersion dans la zone des 50 mètres, et utilisation d’un mélange « fond » compatible, passage sur un bloc « travel » avec un Nitrox à 40 % de concentration en O2, puis décompresion au Nitrox 80 %. L’objet de ce billet est donc de raconter la mise en œuvre et partager un humble retour d’expérience sur ce type de plongée que certains mettent souvent en oeuvre, mais qu’une grande majorité ne pratiquent quasiment jamais.

Quand on plonge pour une plongée à 50 mètres, les choses ne s’improvisent pas : on doit de toute façon planifier sa plongée. J’ai pour habitude de considérer qu’on doit doubler sa sécurité active (bloc avec un volume plus important, valeur relevée de la réserve, ….) quand on plonge dans la zone des 40 mètres par rapport à une plongée d’exploration dans la zone des 20 mètres. Ainsi, pour une plongée dans la zone des 50 mètres, on se doit d’être encore plus rigoureux (et je ne parle pas des plongées entre 50 et 60 mètres). Si on regarde les bonnes vieilles Tables MN90, on obtient ceci :

Extrait Tables MN90

Pour une plongée « carrée » d’une durée de 18 minutes à 50 mètres, on doit effectuer 4′ de palier à 6 mètres, puis 22′ de paliers à 3 mètres, pour une DTR (Durée Totale de Remontée) de 31′ environ, soit une immersion globale de 48′. Les ordinateurs aujourd’hui sont souvent plus sécurisants que les tables pour ce type de plongée et imposent une vitesse de remontée entre 10-12 mètres/minute (plus lente que celle préconisée par les tables, 15-17 mètres/minute). Je conseille, de plus de n’effectuer qu’une plongée par jour quand on effectue ce type d’immersion. Un rapide calcul montre qu’il faut disposer d’environ 4,5 m3 d’air ! (pour mémoire un bloc 15 litres gonflé à 230 bar embarque un stock d’environ 3,5 m3).

Pour ces plongées, mon ami C. a planifié les immersions avec le logiciel V-Planner, bien connu des plongeurs Tek (C. et L. ont acquis la qualification « Plongeur Trimix Élémentaire » et me font gentiment profiter de leur savoir dans le cadre de plongées engagées au Nitrox). Nous utilisons trois mélanges au cours de ces plongées, comme indiqué en introduction, ainsi nous disposons du stock de gaz nécessaire, et nous pourrons adapter notre décompression au mieux.

Aussi, je vais ré-expliquer les notions de bloc « Fond », bloc « Travel » et bloc « Déco » (telles que je les ai comprises), qui sont fondamentales pour bien appréhender le déroulé de ce type de plongée :

  • Le bloc « Fond » est utilisé de l’immersion jusqu’à la remontée. Il contient un mélange respirable de la surface à la profondeur maximale.
  • Le Bloc « Travel » est utilisé pendant la phase de remontée, à partir d’une certaine profondeur et sert à améliorer la décompression pendant la phase ascensionnelle
  • Le bloc « Déco » est utilisé pendant la phase de décompression aux paliers jusqu’à la fin de plongée.

Si je planifie ma plongée (avec les 3 mélanges) à l’aide de mon bon vieux Galileo, j’ai les paramètres suivants :

  • Profondeur Maximale : 51 mètres
  • Durée au fond : 18 minutes
  • Bloc « Fond » : Nitrox 21 % (de l’air !)
  • Bloc « Travel » : Nitrox 38 %
  • Bloc « Déco » : Nitrox 80 %

La planification obtenue me donne un premier palier de 2 minutes à 12 mètres pour une DTR de 29 minutes. L’ordinateur considère que je bascule dès que possible sur le bloc « Travel » et le bloc « Déco » (dès que le profondeur maximale autorisée me permet de l’utiliser (30 mètres pour le bloc « Travel », 10 mètres pour le bloc « Déco »).

Comme nous n’avons pas tous le même ordinateur, nous décidons de concert de nous appuyer sur V-Planner pour gérer notre Run-time. La planification obtenue par V-Planner est la suivante :

  • Départ du fond à 50 mètres quand on atteint 18 minutes d’immersion (ou 80 bar sur le bloc fond)
  • Passage sur le bloc « Travel » à 24 mètres
  • Passage sur le bloc « Déco » à 9 mètres, paliers à 6 mètres et 3 mètres pour 9 minutes au total
  • Retour surface à 46 minutes d’immersion

Le 16 Février dernier, nous nous retrouvons donc de bon matin au local de notre club. Nous récupérons nos blocs que mon ami C. a gentiment préparé pendant la semaine précédente. Nous procédons au contrôles des gaz et remplissons les registres, puis nous nous mettons en route vers la carrière de Bécon-Les-Granits où nous nous immergerons. Arrivés sur place, Jean-Pierre, le directeur du centre contrôle nos papiers de plongeurs et nous commençons à gréer nos blocs. nous enfilons nos combinaisons étanches.

Nous repassons en revue notre planification et définissons nos positionnements respectifs, ainsi que nos rôles respectifs (qui gère le temps fond, qui envoie le parachute depuis le fond, qui le gonfle, dans quel ordre nous passons sur nos blocs « Travel » respectifs…). Une fois celà éclairci, nous gréons les blocs supplémentaires : le bloc « Travel » sous le bras gauche, et le bloc « Déco » sous le bras droit. nous pouvons alors nous mettre à l’eau, et nous procédons aux derniers contrôles avant immersion :

  • Vérification du lestage
  • Pression du bloc fond
  • Pression du bloc « Travel », Détendeur en pression, bloc fermé
  • Pression du bloc « Déco, détendeur en pression, bloc fermé
  • Vérification des inflateurs : Stab et combinaison
  • Configuration des ordinateurs correctement réalisée
  • Présence d’un masque de secours pour la palanquée
  • Fonctionnement des phares et des flasheurs
  • Vérification que chacun a un parachute

Cette vérification est nécessaire sur ce type de plongée pour garantir que tout se passera bien et que nous sommes en mesure de réagir à un événement imprévu (les « What if ? »).

Galileo Fond

Nous nous immergeons alors et effectuons un « bubble check » vers 3-4 mètres  de profondeur. Nous entamons notre descente et atteignons rapidement la profondeur de 49 mètres, nous effectuons notre exploration, nous parcourons le fond de la carrière pendant 15 à 16 minutes, puis nous commençons à nous préparer pour être prêts à entamer notre remontée à 18 minutes comme prévu dans notre Run-Time. L. prépare son parachute, je le gonfle en mettant une petite injection d’air et celui-ci entame sa remontée vers la surface. On voit à gauche ce que mon ordinateur affiche au moment où nous quittons le fond.


Galileo FondNous nous immergeons alors et effectuons un « bubble check » vers 3-4 mètres  de profondeur. Nous entamons notre descente et atteignons rapidement la profondeur de 49 mètres, nous effectuons notre exploration, nous parcourons le fond de la carrière pendant 15 à 16 minutes, puis nous commençons à nous préparer pour être prêts à entamer notre remontée à 18 minutes comme prévu dans notre Run-Time. L. prépare son parachute, je le gonfle en mettant une petite injection d’air et celui-ci entame sa remontée vers la surface. On voit à gauche ce que mon ordinateur affiche au moment où nous quittons le fond.

Premier écran du GalileoNous entamons alors la remontée le long du bout du parachute, et nous commençons à nous préparer à effectuer la bascule sur le bloc « Travel » dès que nous avons atteint la profondeur de 27 mètres, nous effectuons la bascule à 23 mètres (Un mètre d’écart par rapport au prévu par V-Planner). La procédure est la suivante quand on change de gaz : on prévient les binômes, on ouvre le bloc voulu, on bascule et on change de gaz sur l’ordinateur (fort heureusement , sur le Galileo, c’est extrêmement simple !). Pendant cette phase, un binôme vous assiste pour maintenir le bon niveau d’immersion. Au moment de la bascule mon Galileo me donne les informations affichées sur la droite.

Deuxcième écran du GalileoNous remontons ensuite à la profondeur de bascule sur le bloc « Déco », appliquons ue nouvelle fois la procédure de bascule de bloc comme précédemment (avec les mêmes règles d’assistance mutuelle et nous nous préparons à effectuer les paliers en suivant la décompression indiquée par nos ordinateurs. En effet, il ne faut plus que nous suivons le planning construit par V-Planner pour le coup, nous devons suivre la réalité de ce qui s’est passé. A titre d’illustration, juste avant la bascule, mon ordinateur affiche ce qui est présenté à gauche.

Troisième écran du GalileoPeu de temps après avoir basculé sur le bloc « Déco », nous sommes quasiment en train de respirer de l’oxygène pur, et nous voyons très rapidement nos paliers « s’effondrer », mon palier prévu de 3 minutes à 6 mètres s’envole, et je vois apparaître un palier de 10 minutes à 3 mètres. On peut constater cela en regardant l’image sur la droite !

Sur cette plongée (profil « carré »), nous avons effectué une immersion de 45 minutes et 11 minutes de palier au total (1 minute à 6 mètres et 10 minutes à 3 mètres). Si on compare à la proposition des tables MN90, on voit  qu’on gagne globalement 15 minutes de paliers. Cela peut paraître peu, mais lorsqu’on doit effectuer ces paliers dans une eau à 10°C, c’est très appréciable. D’autre part, en ressortant de l’eau, je n’ai pas eu la sensation de fatigue comme on peut l’avoir après ce type de plongée « à l’air » : Habituellement, après une « 50 », une sieste est quasi obligatoire, là, on est en pleine forme !

Mon objectif, dans cet article que j’espère vous n’aurez pas trouver trop long à lire, était de démystifier ce type de plongée, en montrer les intérêts et les bienfaits, mais aussi montrer que ce type d’immersion ne s’improvise pas… On ne part pas à 50 mètres de profondeur sans une préparation minutieuse ! Une autre façon de faire ces plongées là, c’est de plonger au Trimix, mais c’est une autre histoire !

Et vous , vous pratiquez souvent ce type de plongée, vous avez d’autres points de contrôle, ou de planification ? Merci par avance pour vos retours !

9 réflexions au sujet de “Une illustration de l’intérêt de la décompression au Nitrox”

  1. Tu écris 16 minutes de palier au total. 1 minute à 6 mètres et 10 minutes à 3 mètres… Ça fait 11 minutes, ça… Lol..
    Par contre, après ce petit lol, je te le dis, article passionnant qui confirme tout le bien que je pense des plongées Nitrox!
    Merci beaucoup !

  2. Bonjour,
    Je fais toutes mes plongées au delà de 40m et/ou engagées avec un bloc deco de 7L à 80%O2 que je respire à la remonté à partir de 9 m . Moins de fatigue, plus de sécu(déco et réserve air). Un peu plus de temps fond si mon binôme est aussi équipé. C’est ça le plus dur !! Encore trop peu de plongeurs équipés…
    Jean Benoit

  3. C’est exactement ce que je pratique en Formation Trimix des l’élémentaire.
    Tx18/32 Travel 40 et deco 60

    C’est une configuration (celle que vs décrivez) idéale et très sécuritaire. En respectant quelques règles de redondance de base.

    Même si le 80% est intéressant on peut se contenter de 70% voire 60% (très facile à fabriquer en amont)

    Enfin, Je vous suggère néanmoins de faire vos paramètrages de Run Time avec MulitiDeco et non plus Vplanner et de paramétrer vos GF en plongée à l’air à 80/80. (Rester sur la // des M-Value)

    Amicalement.

    • Yes, GF 80/85 sur mon PerdixAI et pour le 80% je tourne avec deux pony dont une me sert à avoir de l’oxi à bord du bateau… On est souvent en autonomie… 80% c’est toujours mieux que rien en secu même sans bavu…
      Jean Benoit

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