La redondance, oui, mais jusqu’où ?

Au cours des formations de plongeurs que je suis amené à dispenser avec mes copains moniteurs (et monitrices), il y a toujours un moment où nous évoquons le principe de redondance… Notamment quand nous formons des plongeurs  N1, et que nous leur présentons l’usage de l’octopus, ou bien lorsque nous formons des plongeurs autonomes PA20 ou Niveau 2 et que je conseille toujours d’avoir un moyen de décompression alternatif au cas où son ordinateur tombe en panne, ou encore quand je forme des plongeurs N3, et que j’explique les problématiques du « What If ? » (qu’est ce qu’il se passe si ?) comme illustration de la nécessité de la planification et de la redondance. L’idée de ce billet, est donc de faire un point assez général sur le principe de redondance, et ce qu’il recouvre, d’en explorer les limites et de proposer quelques démarches où l’on peut soit l’alléger, soit le renforcer… Bien entendu, je ne prétends pas ici asséner des vérités immuables, mais plutôt porter des pistes de réflexion : Comme le dit l’adage populaire, « Un(e) plongeur(euse) averti(e) en vaut deux ! »

Tout d’abord, qu’est ce que la redondance ? À l’origine, c’est un terme de littérature qui décrit les excès dans l’abondance ou les ornements du style utilisé (je tire cette définition du dictionnaire « Littré« ). Actuellement, ce terme est beaucoup utilisé dans le monde de l’informatique et des télécoms, pour décrire la duplication de systèmes pour en garantir l’intégrité en cas d’incident ou de panne. On le voit bien, la redondance peut donc être vue de façon péjorative si elle inutile, ou de façon positive, si elle apporte un plus.

Dans notre sport favori, la redondance s’applique sur le matériel que nous utilisons, pour augmenter la sécurité des plongeurs. Ainsi, comme je l’ai indiqué dans mon introduction, la plupart des détendeurs utilisés sont doté d’un deuxième étage supplémentaire, l’octopus, qui augmente la sécurité de la palanquée, car en cas de panne d’air, les plongeurs face à cette situation n’ont pas, en plus à gérer une procédure d’échange d’embout sous l’eau ! (cependant la réglementation en vigueur en France n’impose l’octopus que les plongeurs encadrés au-delà de 20 mètres de profondeur : il n’est pas obligatoire pour un plongeur encadré dans la zone 0-20 mètres de disposer d’un octopus…).

Un autre exemple de redondance est quand dans une palanquée de plongeurs autonomes, chacun dispose de son propre parachute.  Ainsi, en fin de plongée si un des plongeurs a perdu son « SMB » pendant l’immersion, il y a aura toujours un « buddy » qui sera capable de gonfler son parachute pour signaler la palanquée en surface. Un autre exemple avec les parachutes, est que si chaque plongeur dispose de son propre matériel, il est alors possible d’envoyer deux parachutes côte à côte pour signaler au directeur de Plongée en surface que la palanquée a un problème (classiquement, cette procédure est utilisée pour signaler une panne d’air). Un dernier exemple avec le parachute est que le Guide de Palanquée  (ou bien un autre membre de la palanquée) peut plonger avec deux parachutes : Un rouge classique pour se signaler et un jaune vif pour signaler un problème d’urgence (panne d’air, plongeur inconscient, …).

Réglementairement, les guides de palanquée doivent être équipés de deux détendeurs « complets », c’est à dire qu’ils doivent plonger avec un bloc à deux sorties, sur lequel sont montés deux premiers étages différents et sur lesquels sont répartis  : le détendeur principal, le manomètre, le direct-system, l’octopus. Pourquoi cette réglementation ? Tout simplement parce que le GP est responsable de la sécurité de sa palanquée et qu’il pouvoir faire face à des aléas, par exemple son détendeur principal qui tombe en panne (il se mettra donc à fuser), il lui reste un détendeur complètement fonctionnel sur lequel il peut respirer et mettre les actions en œuvre pour terminer sans délai et sans danger la plongée.

D’une manière générale, la redondance du matériel ne va vraiment être utile qu’à partir du moment où on se trouve face à une plongée « engagée ». Je veux dire par là que, à mon sens, seule la plongée profonde (au-delà de 20 mètres de profondeur) est concernée par cette approche. En effet, partir plonger avec un bloc de décompression supplémentaire pour une immersion dans la zone 0-20 mètres ne fait qu’augmenter la quantité d’équipement emportée, mais n’améliorera pas de façon tangible la sécurité du plongeur ou de la palanquée (attention, je ne dis pas que ce n’est inutile). Par exemple, en tant que moniteur, je suis amené à former des plongeurs N3 et N4 et donc travailler dans la zone des 40 mètres où je peux simuler une syncope, en relâchant mon détendeur. Pour être en totale sécurité et jamais à n’avoir à chercher le deuxième étage que j’ai craché avec le risque de ne pas le retrouver (et donc de me mettre en danger et par là-même, mettre en danger mon élève, qui souvent n’est pas encore en situation de gérer une situation complexe). J’ai « redondé » mon détendeur par un système de type « Air2« . Comme j’ai un gilet Sea Quest de la marque Aqualung, j’y ai adapté le système « Air-source III« . En fait c’est un deuxième étage de détendeur qui est combiné avec l’inflateur. En cas de perte de mon deuxième étage traditionnel, je suis sûr d’avoir sous les yeux et immédiatement sous la main, une source d’air frais ! Si le confort n’est pas hyper présent, on voit que dans ce cas la redondance renforce la sécurité et prend tout son sens sur une plongée profonde…

Sur d’autres aspects, la redondance ne représente qu’un confort : mon ordinateur de plongée est doté d’une sonde de pression qui lui permet ‘entre autres)  de calculer mon autonomie restante. J’ai donc l’affichage de la pression résiduelle de mon bloc sur l’écran de mon ordinateur. J’ai cependant gardé un manomètre classique car je trouve que cela est plus facile pour communiquer avec les autres membres de ma palanquée pour indiquer ma pression bloc. Cependant, c’est un vrai plus pour moi de pouvoir la lire directement au poignet.

Il ne faut pas non plus tomber dans des excès de « sur-sécurité ». J’ai pu croiser des plongeurs qui plongeaient avec 2 ordinateurs de plongée au poignet. Je n’en comprend pas l’utilité (pour de la plongée loisir). En effet, si l’ordinateur tombe en panne, il reste celui du binôme qui, grosso-modo, effectue le même profil de plongée (temps, parcours , profondeur) et devrait avoir un temps à peu près similaire de décompression. Si on plonge avec deux ordis de marque différente et avec des protocoles de plongée différents, auquel va-t-on devoir se fier ? De même si le premier ordinateur se met « en carafe » suite à une remontée rapide, il y a toutes les chances que le deuxième fasse de même ! aussi, je préfère planifier ma plongée en utilisant le mode planification de mon ordinateur, ou à la rigueur, en utilisant les tables de plongée MN90, écrire cette planification sur la tablette immergeable et effectuer la plongée suivant ce « run-time ». Au pire, et ça ne coûte pas très cher, on peut glisser dans la poche de sa stab un exemplaire des tables, plonger avec une montre et rajouter un profondimètre de type « timer » au poignet…

On le voit bien, la redondance peut être positive et négative ! Je pense que garder l’esprit critique, ne pas tout mettre sur le matériel, planifier sa plongée et beaucoup plus sécurisant ! Il ne vient à l’idée de personne d’emporter en immersion une deuxième paire de palmes, ni un deuxième masque… Par contre, avoir un avoir un masque de « spare » dans sa boite « SOS », ou une sangle de masque peut vous sauver une plongée !

Et vous, êtes vous partisan de la redondance, quels sont les éléments matériels que vous avez doublés ? Merci d’avance pour vos retours !

4 réflexions au sujet de “La redondance, oui, mais jusqu’où ?”

  1. Je plonge toujours avec 2 sources lumineuses dont une en service ,quand les circonstances le demandent.(plongées en mer ou en carrières N3

    • Merci à toi! Effectivement doubler sa source lumineuse est un vrai élément de sécurité !

  2. Bonjour,
    Je plonge toujours, avec une tablette au poignet, et un second masque dans une poche de cuisse.

    • Merci Olivier ! Poche de cuisse, cela évoque pour moi une combi étanche… Effectivement ça prend du sens si on plonge dans un environnement hostile, car le masque est bien protégé !
      Respect au Canard MMIV d’un humble Canard MMXV ! 🙂

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