Comment (bien) réussir une assistance ?

A la suite de mon article sur la RSE, qui a suscité pas mal de commentaires sur les réseaux sociaux, une suggestion m’a été faite par un plongeur, celle d’écrire un article traitant de la réussite de l’assistance de 20 ou de 40 mètres… J’ai donc repris le fil rouge de mes séances pratiques, et j’ai tenté de remettre en ordre ce que je trouve important, voire fondamental pour bien réussir cet exercice technique en formation, et si jamais la situation devait se présenter, faire en sorte que les automatismes soient là pour garantir une assistance correcte en situation réelle. Voici donc quelques réflexions en vrac qui je l’espère pourront être utiles à de nombreux plongeurs et plongeuses…

Dès que votre binôme vous fait le signe qu’il ne va pas bien, il faut sans tarder se propulser vers lui (donc il faut toujours faire attention à ne pas être trop éloigné de son partenaire…). En arrivant auprès de l’assisté, on effectue une petite manœuvre de mise en verticalité, en agrippant le gilet par la bretelle gauche. Cette mise en vertical va donner une petite impulsion qui va avoir pour effet de rompre l’équilibre des 2 plongeurs et faire démarrer la remontée, sans qu’il y ait réellement besoin de rajouter de l’air dans le gilet…

Il convient ensuite de se positionner au plus près de l’assisté pour qu’il ressente votre présence rassurante, J’apprécie de plonger mon regard dans celui de mon partenaire pour lui faire comprendre « pas de souci, tout va bien, je m’occupe de toi ». Avec cette technique, votre binôme « s’abandonnera » totalement à vous et vous laissera gérer l’ensemble, un clignement des yeux régulier permettra de le rassurer. De plus, cela réduira son champ visuel, il n’y aura plus que vous qui existe à ses yeux. On peut aussi requestionner l’assisté pour voir comment il/elle se sent.

Pour revenir sur le démarrage, autant il n’est pas nécessaire d’injecter beaucoup d’air (voire pas du tout) dans le gilet dans la zone des 20 mètres, autant dans la zone des 40 mètres, il convient d’en injecter plusieurs litres pour décoller franchement et rapidement de cette zone. Je proscris tout palmage dans une phase d’assistance, on est sûr de partir en essoufflement à 40 mètres, et à 20 mètres cela ne fera que prendre trop de vitesse. Au démarrage, on prend un repère fixe, le fond si on le voit, le tombant de la roche sinon, et dès qu’on voit ce repère s’éloigner, c’est qu’on a démarré ! On porte alors son regard vers la surface pour repérer les bulles. Dans le cas d’une assistance depuis la zone des 40 mètres, il faudra avoir repris une vitesse de remontée correcte dans la zone des 30 mètres…

Beaucoup des plongeurs que j’ai formé m’ont dit qu’ils avaient du mal à percevoir la bonne vitesse de remontée. J’ai  moi-même toujours eu du mal à voir les petites bulles ! La technique que je préconise est de repérer les « smarties ». Les bulles qui font la taille de ces friandises sont par contre très faciles à repérer. Il suffit ensuite de s’efforcer à garder les smarties à une distance de 1,50 à 2 mètres au-dessus des deux plongeurs en train de remonter… Dès qu’on les rattrape, il faut purger une des 2 stabs, si on s’en éloigne , on gère avec le poumon-ballast, ou au pire, on remet un peu (pas trop) de gaz dans le gilet. Je conseille de purger en alternant les gilets, de cette façon, les 2 plongeurs conservent une flottabilité à peu près identique, et si il y a une désolidarisation de la paire, la vitesse de remontée ne variera pas trop (on évite ainsi l’effet enclume pour l’un et ballon pour l’autre).

J’ai pu constater que beaucoup des plongeurs qui apprennent l’assistance ont les yeux rivés sur leur ordinateur… Ce la ne sert pas à grand-chose, en effet , en phase ascendante,  l’ordinateur indique la profondeur à laquelle on était il y a 2 secondes (quand votre ordinateur indique 12 mètres, vous vous trouvez déjà à 11,50 mètres), la seule utilité est de bien vérifier que l’on remonte, mais pour ça on a beaucoup d’autres éléments pour le ressentir (les oreilles qui équilibrent ou pas, la luminosité qui grandit, la paroi qui défile si on remonte le long d’un tombant, …). Les yeux rivés sur l’ordinateur ne vont avoir comme conséquence d’empêcher l’anticipation sur la remontée, et de faire que le plongeur qui assiste son binôme va être en mode « réaction », plutôt qu’en mode « action ». Il est beaucoup plus efficient d’être attentif à son environnement pour garder une vitesse constante et adaptée ! Il faut aussi faire attention aux gilets doté de système purge déporté tels les systèmes Air-Trim ou i3 qui ont du succès aujourd’hui, pour ne pas être pris au dépourvu en cas d’urgence (je ne répéterai jamais assez l’importance du « buddy-check » au sec et dans l’eau avant toute immersion en touchant le matériel de son binôme).

Quand on arrive dans la zone des 10 mètres, l’ami Mariotte va faire que la variation de volume va être plus importante qu’en profondeur, aussi, pour ne pas se laisser embarquer dans les bulles, il faut accélérer la cadence de purge pour garder les « smarties » bien au-dessus de soi. Arrivé à 6 mètres, je conseille de faire en sorte que les 2 stabs soient entièrement vidées, la vitesse résiduelle permettra au couple de plongeur de venir s’arrêter gentiment dans la zone des 3 mètres… L’arrêt à 3 mètres permettra ensuite de prendre des repères pour la suite et d’aviser pour le retour au bateau. Il ne faut pas oublier qu’une assistance ne se termine que lorsque les deux plongeurs sont remontés à bord et que l’assisté a été pris en charge par le Directeur de Plongée.

Pour terminer, je joins à ce post un lien sur une vidéo réalisée par mon ami Romain, du centre de plongée L’Excelsus à Saint-Leu sur l’île de La Réunion, qui montre parfaitement bien les propos que j’ai tenu au-dessus :

Et vous, avez-vous d’autres trucs à faire partager pour bien réussir une assistance ? Merci d’avance pour vos retours !

22 réflexions au sujet de “Comment (bien) réussir une assistance ?”

  1. Bonjour
    Je suis totalement en phase avec tes ecrits deux remarques neanmoins :
    prendre l habitude de ne pas injecter de l air pour une assistance de 20 voire 25 peut etre delicate, en effet à force de faire des exercices avec des binomes parfaitement équilibrés peut induire des automatismes nefastes le jour de l epreuve… surtout si le jury est lourd comme une gueuse….
    je pense qu une pesee préalable est indispensable. Apres je suis d accord s il est equilibre c est cool
    Un deuxième point, de plus en plus de plongeurs utilisent des combi etanches… lors de l assistance il faudra aussi apprendre à gerer la purge de l etanche. Cela ne semble rien mais certaines personnes ont tendance à equilibrer en mettant de l air dans le gilet et la combi ( et pas que le squiz)
    Super article et de nombreux conseils.

    • Merci Eric !
      Oui c’est vrai si on doit assister un plongeur qui est en combinaison sèche, je préconise de placer son bras gauche sur sa propre épaule droite, comme ça la purge fonctionne plus facilement et on est moins embêté !
      Un moniteur lourd comme une gueuse, j’en ai connu, j’espère qu’il n’y en plus trop qui enseignent la plongée…

  2. Un « truc » assez simple, trouvé par hasard en faisant une remontée depuis 40. Il est très facile de tenir la bretelle droite de son binôme en glissant un doigt sous le cordon de la purge et ainsi de purger les deux gilets en même temps, ce qui permet de parfaitement stabiliser les vitesses de remontées des deux plongeurs.

  3. Entièrement d’accord sur les problèmes inhérents à la différence de corpulence! Je vais passer mon N2 dans un mois et je suis en plein dedans. Poids plume face à des gaillards de 90kg!! j’ai intérêt à mettre un peu d’air au démarrage car sinon je suis obligée de palmer comme une folle (ce qu’il ne faut surtout pas faire, je l’ai bien compris). mais au début, pas simple de trouver le bon dosage!!!
    Merci pour la vidéo qui m’a permis de voir vraiment les petites touches pour purger… je pense sincèrement que j’y vais encore trop franchement…je m’en souviendrai lors de mes exercices de passage de niveau (3 fois le même exercice réussi sinon ….ben peut être ben qu’ils diront « non, pas pour cette fois!!). merci pour tous ces partages d’expériences. très instructif.

    • Merci Laetitia ! Avec un bon démarrage, et en surveillant bien que les smarties restent à 1,50 mètre au-dessus de ta tête, tout devrait bien se passer, le tout est une question de calme et de dosage ! Nul doute que tu vas y arriver !

  4. Je veux faire un commentaire concernant l’aide du palmage lors du démarrage de la remonté.

    Lors de mon N4 on m’a expliqué que le meilleur moyen etait de prendre de la vitesse. C.a.d de faire une approche vers le bas du plongeur en difficulté et avant de le prendre en charge se retrouver dans un mouvement ascensionnel. Il est ainsi très facile de démarrer la remonté sans gonfler la stab. Il faut juste gerer la purge de chacun des gilets.

    En fonction de la flotabilité toujours vider la stab la plus legere pour eviter tout probleme si tu laches l’assisté.

    Cela fonctionne très bien même a 40 m. Mais bien sur si le décollage ne se produit pas un petit coup d’air dans la stab ne fait pas de mal.

    Le coup de regarder dans les yeux est bien sur très bon il se sent en sécurité… plus rien ne peut lui arriver, il est entre de bonnes mains. Le gars qui est la fait son job, il maitrise… c’est le meilleur moyen pour que la situation ne se dégrade pas plus.

    • Ce que tu écrit est correct… mais à 40 mètres, avec le stress qui te prendra toi aussi si tu te retrouves dans une situation d’urgence et que tu palmes, tu partiras immédiatement vers l’essoufflement (c’est du vécu).
      Je considère que à 40 m, il faut proscrire tout palmage… donc à 20 m, on en a pas besoin… tout doit se faire à la stab, le décollage ne particulier ! 😉

  5. Technique supplémentaire que je donne :repérer l’élément tracteur de la remontée (en gros la stab la plus gonflée) et se préparer à vider celle la au prochain coup de purge. Pour repérer la stab la plus gonflé on le vois au plongeur qui a tendance à être au dessus de l’autre pendant la remontée et qui tracté le deuxième. En prévoyant à l’avance, alternant et en vidant régulièrement les stab ça évite l’emballement qui devient facteur de stress et en général amène à rater son assistance

  6. Hello Philippe!
    J’ai relu ton article. Il est vraiment TOP! Tout est dit. Je retrouve là, synthétisé, tout mon apprentissage. C’est vraiment difficile de bien réussir ces remontées. Perso je vois trés, trés, bien les petites bulles. Mais ce que j’ai du mal à doser c’est justement le départ et le stop franc à l’arrivée, comme beaucoup j’imagine. Merci pour tes conseils. Je crois que tout est dans la pratique. Car l’intérêt de nous apprendre cela ,est comme tu le dis, d’avoir vraiment des gestes réflexes si hélas un jour on en a besoin en situation réelle.

    • Coucou Anne,
      Merci pour ton retour et tes encouragements !
      Je recommande à toutes les plongeuses et tous les plongeurs que je croise de pratiquer régulièrement une plongée technique pour « garder la main ».
      Comme je l’écris dans l’article, pour le départ, si on est équilibré à 20 mètres, il faut juste un peu d’air dans la stab pour lancer la remontée. Si on est équilibré à 40 mètres, il faut injecter pas mal de gaz pour lancer la machine (et surtout ne pas palmer) … Pour le stop franc, idéalement les 2 stabs doivent être vides à 6 mètres, la vitesse acquisse permettra de stopper tranquillou vers 4 mètres…
      Mais je suis aussi d’accord avec toi, c’est un exercice difficile, je me rappelle quand j’ai repassé mon Niveau 2 combien j’ai eu de difficultés pour le réussir !

  7. Le seul vrai problème c’est que c’est beaucoup de blabla. Ceux qui n’ont jamais eu de véritable assistance à gérer passent leur temps à se demander si, préférer ceci à cela, etc etc.
    Quand les choses sérieuses arrivent, je peux vous assurer qu’on agit, POINT. Les petites bulles, la vitesse, comment je place ma main… Ce qui compte c’est d’y arriver ! Seulement voilà, certains pensent que leur façon de faire est la meilleure et patati et patata.
    Il y a les fondamentaux, le reste est de la littérature.

    • Merci pour ton commentaire anonyme et constructif.
      Oui, en situation réelle, on agit et c’est tout. J’ai dû, par le passé, réaliser des assistances réelles à quelques reprises, elles n’ont pas été les plus académiques, mais j’ai « sauvé » mes binômes. Je n’ai jamais déclaré que je détenais la science infuse, ni que ma façon de faire est la meilleure et la seule qui vaille.
      Mon but n’est pas de faire du blabla mais d’aider par ces humbles billets des personnes en situation d’apprentissage avec quelques points qui me paraissent importants.

  8. Et personnellement je t’en remercie! De même que tous ceux qui essayent de faire partager leurs expériences. Cela n’exonère en rien la formation et la pratique, mais je me suis retrouvée dans des situations une ou deux fois où j’ai été ravie d’avoir lus des expériences racontées par d’autres et qui m’ont assurément servi à ce moment là… Dire et laisser dire! 🙂

  9. Précieux conseils Philippe . Merci pour cette pédagogie que je trouve très pertinente ..l’alternance de la purge progressive des gilets, la précipitation a proscrire , le poumon ballast comme ami . Au sec je comprends parfaitement mais j’avoue être encore un peu en difficulté .Je vais donc recourir donc à l’imagerie mentale avant l’exercice et visualiser tes indications très précises.
    j’espère que les prochains seront corrects ….
    Merci a toi
    Guy

    • Merci a Guy-Alexandre !
      Bonne visualisation mentale pour la suite !
      Tiens moi au courant !

  10. Bonjour Philippe
    Merci pour ton blog qui est très complet et intéressant
    Pour ma part je me sers de mon inertie pour décoller étant donné que nous sommes équilibrés, ensuite je me sers du poumon ballast et de la purge des 2 gilets jusqu’à 10m ou je purge totalement mon gilet pour n avoir qu’à gérer le gilet de l’assisté entre 10 et 3 m sachant que moi je suis correctement lesté et que je ne sais pas pour mon binôme si il est sur-lesté et qu’il finit a 3m gilet vide c’est la redescente assurée .
    C’est pour cela qu avant toute chose je prends du temps pour régler le lestage des élèves et de la tout est plus simple pour eux dans leur future plongée
    Merci encore pour ton travail colossal

    • Merci Raphaël pour tes encouragements ! En fait je me rends compte en te lisant qu’on a presque la même approche, je purge mon gilet en priorité dès la zone des 10 mètres, et bien sûr je sacrifie au rituel de la vérification du lestage systématiquement avant chaque plongée !

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.